Qu’est-ce que le Tang-lang ? Entretien avec Maître Mandra
Qu’est-ce que le tang lang quan ?
Le tang lang, ou boxe de la mante religieuse, est une méthode traditionnelle de kung fu chinois. Ce style fut élaboré au XVIIe siècle par Wong Long.
La légende raconte que Wong Long était un expert en arts martiaux qui avait tout abandonné pour faire le tour de la Chine et parfaire son art. Sa route l’ayant mené à Shaolin, il fut vaincu au combat par le maître du temple.
Démoralisé par sa défaite, il se retira dans la forêt pour réfléchir et tirer les leçons de son expérience. Et c’est là qu’il aurait assisté au combat d’une mante religieuse contre une cigale. Fasciné par la façon dont ce petit insecte pouvait l’emporter sur plus grand et plus fort que lui, il étudia trois années durant la façon dont la mante se servait de ses crochets et en tira cette méthode de combat reposant sur des techniques de crochetage avec les mains et les avant-bras. Il retourna alors à Shaolin où il l’emporta sur le maître, et c’est depuis cette époque que la boxe de la mante religieuse est enseignée à Shaolin au côté d’autres styles animaliers.
Vous enseignez le taiji meihua tang lang quan. Quelle est la différence entre ce style et la méthode créée par Wong Long ?
Au cours du temps, le style a évolué, et différents styles de tang lang sont apparus. Pour simplifier, trois branches principales peuvent être identifiées.
Il y a premièrement le style des « Sept étoiles », qui s’est surtout développé dans la région de Wong Long, le Shandong, et qui, après la révolution culturelle, a pour l’essentiel été pratiqué à Taïwan et Hong-kong.
Il y a également le style des « Six harmonies », qui s’est tout particulièrement développé aux Etats-Unis.
Enfin, il y a le tang lang de la fleur de prunier (meihua), principalement implanté à Tsintao et Hentaï, deux cités maritimes qui étaient de hauts lieux d’échange. Le style des Sept étoiles est vif et sec, avec des frappes régulières et repose sur une avancée frontale face à l’adversaire. Le Meihua s’en différencie par des mouvements plus coulés, plus ronds, plus circulaires, et des déplacements qui s’effectuent le plus souvent à 45 degrés.
Notre style est né du meihua tang lang au début du XXe siècle, lorsque, vers 1920, un moins taoïste du nom de Ho Han Lu, en réfléchissant aux arts martiaux, a eu l’idée d’introduire et d’exploiter la théorie du taiji dans les techniques du meihua tang lang. C’est donc cette étude du taiji qui fait la spécificité de notre école.
Pouvez-vous préciser davantage ce qu’implique la théorie du taïji pour la pratique du tang lang ?
Pour l’essentiel, il s’agit d’une philosophie qui dit, cela est bien connu, que le taiji est la mère du yin et du yang. Il s’agit donc d’étudier ce qu’est le yin et ce qu’est le yang – et d’appliquer cette question aux méthodes de combat.
En première approche, on pourrait partir du fait qu’il existe dans le style de la mante religieuse des méthodes « rigides » (supposant un usage direct de la force) et des méthodes « flexibles » (plus souples et plus indirectes). Mais cette première approche est simpliste, réductrice, et fausse. Il n’y a pas de méthodes purement rigide, pas plus qu’il n’y a de méthode purement flexible. Les deux ne sauraient être séparés. Il y a du flexible dans le rigide et réciproquement.
La théorie du taïji dit justement qu’il ne faut pas séparer les deux, sans quoi il n’y a plus d’harmonie. Il s’agit là d’un principe que le retrouve en médecine chinoise : le feu de notre corps réchauffe l’eau dans les poumons, et l’eau, de son côté, rafraîchit le feu dans le cœur et dans la tête. L’harmonie naît de cet équilibre.
C’est à partir de ces idées que nous nous efforçons, en taiji meihua, de parvenir à une connaissance du corps qui nous permette de percevoir le yin et le yang dans le corps afin d’en utiliser l’harmonie et d’en canaliser la puissance à partir du centre de gravité. Le yin et le yang sont des concepts relatifs. Les membres supérieurs sont sensés être yang et les membres inférieurs sont yin ; mais on peut ensuite dans la jambe par exemple, distinguer de nouveau un yin et un yang. Pour parvenir à cette connaissance, il existe des exercices de toutes les parties du corps. Ces exercices permettent de travailler la souplesse. Lorsque, doucement et progressivement, on parvient à la compréhension de cette technique, il est alors possible de l’utiliser en combat.
Il ne s’agit donc pas de force physique, mais d’utiliser une méthode quasi-scientifique utilisant la souplesse du corps pour combattre des personnes qui utilisent la force brute. Par cette souplesse, par cette connaissance du yin et du yang dans le corps, on peut absorber et restituer la force de l’adversaire, transformer une force centripète en une force centrifuge.
Vous êtes héritier du style, mais d’autres écoles enseignent le taiji meihua…
J’ai en effet reçu le titre d’héritier de Sun bao, avec deux autres élèves – l’un plus jeune, l’autre plus âgé que moi. En Europe, je ne crois pas que d’autres écoles enseignent le taïji meihua, mais tout ce que je peux dire, c’est que la particularité de notre école est d‘étudier comment les leçons du taiji peuvent être appliquées aux méthodes de la mante religieuse. Si l’on ne sait pas ce qui dans la main et dans le poing est yin ou yang, alors on fait du kung fu, mais il me semble que l’on délaisse le taiji.
Propos recueillis par G. Nottin
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